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Note à propos de l'arrêt Conseil d'Etat, 16 février 2009, ATOM


La décision ATOM, rendue par le Conseil d'Etat en assemblée le 16 février 2009 a pour considérant de principe : « Considérant qu'il appartient au juge du fond, saisi d'une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, de prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration et, le cas échéant, de faire application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue ; que, par suite, compte tenu des pouvoirs dont il dispose ainsi pour contrôler une sanction de cette nature, le juge se prononce sur la contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux ; ».



En résumé, cette décision fait passer les sanctions infligées par l'administration à un administré, autrement appelées sanctions administratives dans l'escarcelle du recours de plein juridiction (RPJ). Si ni la teneur de la décision, ni les raisons de celle-ci, les conclusions du commissaire du gouvernement en parlent longuement, ne posent réellement question (v. références doctrinales infra), il en va autrement pour son champ d'application. En effet, il faut savoir ce que sont et ce que ne sont pas les sanctions administratives au sens de l'arrêt ATOM afin de pouvoir visualiser de champ d’application de sa solution.

Pour une définition négative du champ d'application d'ATOM, il paraît évident que les sanctions disciplinaires de la fonction publique et les sanctions professionnelles, du fait de la nature particulière du lien reliant agents publics et professions règlementées à l'Administration1 et conformément à la jurisprudence antérieure2, restent en dehors du champ d'application d'ATOM. Le recours pour excès de pouvoir (REP) est donc maintenu pour ces contentieux. Mais comment qualifier ce lien ? Un lien contractuel, règlementaire ? Comment le déceler ? A quels autres catégories d'administrés s'applique-t-il ?

Une définition positive du champ d'application de la décision d'ATOM est plus délicate à élaborer et à systématiser.

Le passage du REP au RPJ ayant notamment pour objet de faire application de la rétroactivité in mitius, il est possible de considérer que la solution ATOM s'applique uniquement pour les litiges concernant les sanctions, infligées par l'administration à un administré, dans le champ d'application de ce principe de rétroactivité de la loi plus douce. En effet, la rétroactivité in mitius ne peut s'appliquer si la sanction infligée n'est basée sur aucun texte prévoyant les faits pouvant donner lieu à celle-ci mais seulement sur les obligations particulières auxquelles est soumise une personne en raison de l'activité qu'elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient, ou de l'institution dont elle relève3.

Si l'on suit cette logique, la solution ATOM s'appliquerait dès lors que la sanction litigieuse repose sur un texte prévoyant les faits pouvant donner lieu à celle-ci et non uniquement sur les obligations particulières auxquelles est soumise une personne en raison de l'activité qu'elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient, ou de l'institution dont elle relève. Cela rejoint ce qui prévaut en matière de sanction disciplinaire et de sanction professionnelle qui sont constituées par un manquement à des obligations spécifiques à ces catégories de particuliers.

Cependant, l'arrêt CAA Nancy, 18 février 2010, n° 09NC01261, annulant le jugement TA Strasbourg, 25 juin 2009, 0803184 apporte un trouble certain dans cette méthode de définition du champ d'application d'ATOM. En effet, la Cour Administrative d'Appel conserve les sanctions pénitentiaires hors du champ d'application d'ATOM, alors même qu'ainsi que le relevait le commissaire du gouvernement de la première instance Mélanie Bilocq4, les faits constitutifs d'infractions en matière pénitentiaire sont prévus par un texte (D. 249 à D. 249-4 et D. 251 à D. 251-8 du Code de procédure pénale) et classés selon leur gravité, contrairement aux sanctions disciplinaires des agents publics. Les sanctions infligées aux détenus sont donc dans le champ d'application du principe de rétroactivité in mitius et pour autant, la Cour Administrative d'Appel refuse de faire basculer ce contentieux dans le champ du RPJ (solution ATOM) et le conserve en REP. Cela rejoint les conclusions de Mattias Guyomar sous l'arrêt Petit5 qui regroupait au sein d'une même catégorie les agents publics, les élèves et les détenus et maintenait hors du champ d'application d'ATOM le contentieux des sanctions qui leur sont infligées qu'il qualifie « sanctions institutionnelles coercitives ».

Le critère de l'application de la rétroactivité in mitius n'est donc pas totalement opérant et peut céder devant la volonté du juge de ménager à l'Administration un large pouvoir discrétionnaire qui le conduit à conserver certains contentieux en REP ainsi que le relève Delphine Pollet-Panoussis6 dans sa note sous l'arrêt de Cour Administrative d'Appel.

Finalement, un critère de distinction séduisant nous est livré par le rapporteur public Olivier Guiard dans ses conclusions à propos du jugement TA Versailles, 26 janvier 2010, M. Freches7. Il reprend et simplifie la distinction opérée par Matthias Guyomar dans ses conclusions à propos de la décision Petit précitée.

Olivier Guiard distingue les « sanctions disciplinaires », hors du champ d'application d'ATOM et « non disciplinaires », dans le champ d'application d'ATOM. Les sanctions disciplinaires sont, dans sa définition, celles infligées aux personnes, relevant de groupes identifiables, participant au fonctionnement du service ou au comportement desquelles est subordonnée la marche normale du service et dont le comportement est encadré par des règles de conduite particulières. Cela permet d'englober les élèves, les détenus, les agents publics, les professions règlementées... Pour ces sanctions là, le contentieux reste un contentieux de l'excès de pouvoir.

Le champ d'application d'ATOM étant circonscrit aux sanctions, non disciplinaires, infligées aux administrés, aux tiers qui n'ont pas de lien particulier avec l’Administration, en négatif par rapport aux sanctions « disciplinaires ».

Il s'agit ici du critère le plus convaincant pour distinguer ce qui se trouve dans le champ d'application de la décision ATOM de ce qui ne s'y trouve pas. En effet, c'est le plus proche, à la fois de la lettre de l'arrêt ATOM et surtout de la jurisprudence ultérieure puisque, à titre d'exemple, dans l'avis CE, 9 juillet 2010, Berthaud, le juge affirme simplement que la sanction de retrait de point de permis « constitue une sanction que l'administration inflige à un administré », pour faire tomber cette sanction dans le champ d'application de l'arrêt ATOM. Il ne cherche pas à démontrer par rapport à la rétroactivité in mitus que le juge n'évoque que comme une conséquence des pouvoirs du juge de plein contentieux.

Enfin, la jurisprudence ATOM ne peut s'appliquer aux mesures de police quelle que soit leur destinataire car elle ne peuvent être considérées comme des sanctions du fait de leur portée préventive et non répressive.


1Bertrand du Marais, Arnaud Sée, Gazette du Palais, 05 décembre 2009 n°339, p.11
2En matière de sanction disciplinaires CE sec., 1er février 2006, Touzard : en matière de sanctions professionnelles CE, 22 juin 2007, Arfi
3Sophie-Justine Liéber, Damien Botteghi, AJDA 2009 p. 583
4AJDA 2009 p. 2356
5CE, 12 octobre 2009, Petit, Concl. Mattias Guyomar PA, 05 mai 2010 n° 89, P. 6
6La Semaine Juridique Edition Générale n° 45, 8 Novembre 2010, 1124
7JCP A., n°19, 10 mai 2010, 2163


Bibliographie sélective

A propos de l'arrêt ATOM

  • Claire Legras, Sanctions administratives : rétroactivité in mitius et plein contentieux, Conclusions sur Conseil d'État, ass., 16 février 2009, Société ATOM, RFDA 2009 p. 259
  • Sophie-Justine Liéber, Damien Botteghi, L'étoile du recours pour excès de pouvoir pâlirait-elle encore ?, AJDA 2009 p. 583
  • Bertrand du Marais, Arnaud Sée, Avancée significative du plein contentieux dans le domaine des sanctions administratives, note à propos de l'arrêt ATOM, Gazette du Palais, 05 décembre 2009 n° 339, P. 11
  • Fabrice Melleray, Les sanctions administratives relèvent du plein contentieux, Revue juridique de l'économie publique n° 665, Juin 2009, comm. 30

Sur les prolongements de l'arrêt ATOM

  • Delphine Pollet-Panoussis, Quel contrôle du juge administratif pour les sanctions pénitentiaires ?, Note sous arrêt CAA Nancy, 3e ch., 18 févr. 2010, n° 09NC01261, La Semaine Juridique Edition Générale n° 45, 8 Novembre 2010, 1124
  • Mattias Guyomar, Le principe de légalité des droits est applicable aux sanctions professionnelles à caractère disciplinaire, Conclusions sur arrêt CE, 12 octobre 2009, Petit, Petites affiches, 05 mai 2010 n° 89, P. 6
  • Olivier Guiard, Le juge de l'excès de pouvoir demeure le juge naturel des sanctions disciplinaires, conclusions sur le jugement TA Versailles, 26 janvier 2010, M. Freches, La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 19, 10 Mai 2010, 2163
  • David Bailleul, Le contentieux du retrait du permis à points, contentieux de pleine juridiction, note sous avis Berthaud, Droit Administratif n° 10, Octobre 2010, comm. 133

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